0 Shares 3239 Views

“L’Oiseau vert”, une explosion de plaisir

Hélène Kuttner 28 mai 2018
3239 Vues

©Polo Garat Odessa

C’est une véritable féérie qui se déroule actuellement au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Le conte délirant de Carlo Gozzi est mis en scène avec brio par Laurent Pelly avec une troupe d’acteurs effervescents. À savourer en urgence.

Une fable de tous les possibles 

Concurrent de Goldoni qu’il n’aimait pas, Carlo Gozzi s’inspire de sa ville natale, Venise au XVIIIe siècle, pour écrire une histoire totalement délirante qui se joue de la philosophie, de la magie, de la comédie sociale avec un ton croustillant et une langue faussement naïve qui plonge aux racines de tous les contes pour enfants avec la crudité de Shakespeare. Tartaglia, roi hypocondriaque et geignard, revient de guerre après 18 années avec le désir de retrouver femme et enfants. Sa femme, Ninetta, a été enterrée vivante sous l’évier des cuisines par l’horrible Tartagliona, la mère du roi, sorcière jalouse, et ses enfants confiés à un couple de charcutiers sans foi ni loi par le Premier ministre, Pantalone, infatué et lâche.

Une philosophie qui se moque d’elle-même

© Polo Garat Odessa

Dans la succulente traduction d’Agathe Mélinand, le texte de Gozzi prend son envol grâce au traitement féérique et artisanal de Laurent Pelly qui place, comme toujours, le corps de l’acteur au centre du spectacle. Cette fois, pas besoin de haute technologie et de vidéos animées, de rayons laser et de 3D : la dizaine de techniciens de cet énorme plateau en forme de vagues qui roulent fait glisser les cordages et descendre les cintres, les ourlets géants de cette voile blanche découvrent des personnages en chair et en os, qui vont nous hypnotiser de leur verve et de leur ironie. Les lumières de Michel Le Borgne diffusent des teintes bleutées ou orangées selon les fantaisies de ce voyage initiatique mozartien.

Acteurs palpitants

Il faut saluer la performance d’une très grande comédienne, Marilú Marini, dans le rôle de Tartagliona la sorcière. Dans sa capeline noire, armée de son bâton et chaussée de godillots (costumes Laurent Pelly), la créature baveuse et monstrueuse sortirait tout droit d’un film de Tim Burton ou d’un épisode d’Harry Potter, grimaçante et perverse. Georges Bigot se plaît et nous réjouit dans le personnage grotesque de Truffaldino, tandis que Pierre Aussedat joue Brighella. Les jumeaux, Jeanne Piponnier et Antoine Rafalli (Barbarina et Renzo), Emmanuel Daumas (Tartaglia) qui se déplace encadré dans une toile de peinture et Nanou Garcia, épatante dans Smeraldine, et tous les autres artistes sont épatants de drôlerie et de fantaisie, évoluant sur ce plateau à l’inclinaison dangereuse en courant, tombant ou trépignant de colère. L’histoire possède d’ailleurs une chute particulièrement sage, à notre époque qui multiplie la course aux désirs toujours inassouvis. C’est merveilleux.

Hélène Kuttner

En ce moment

Articles liés

Les Planches de l’ICART 2026 – Acte IX : l’appel à candidatures est ouvert !
Agenda
136 vues

Les Planches de l’ICART 2026 – Acte IX : l’appel à candidatures est ouvert !

Depuis huit ans, Les Planches de l’ICART, un tremplin de seul·e en scène organisé par les étudiant·e·s de l’ICART, met en lumière les voix et les corps qui feront vibrer la scène de demain. Cette année, l’Acte IX des...

« Les Petites Filles modernes (titre provisoire) » : le conte fabuleux de Joël Pommerat
Spectacle
207 vues

« Les Petites Filles modernes (titre provisoire) » : le conte fabuleux de Joël Pommerat

Au Théâtre Amandiers de Nanterre, refait à neuf après quatre années de travaux, l’auteur et metteur en scène Joël Pommerat réinvente l’adolescence, ses frayeurs et ses désirs d’absolu dans un conte qui tisse de manière fabuleuse le réel et...

La “Rolling Collection” à Tokyo : une ode à la créativité
Agenda
172 vues

La “Rolling Collection” à Tokyo : une ode à la créativité

Après avoir été présentée à Barcelone, Ibiza, Londres et Paris, la Rolling Collection a fait escale à Tokyo pour sa dernière étape de l’année. Organisée dans le monde entier par ADDA Gallery, l’exposition rend hommage à la ligne emblématique...